Quand le Web joue sur les mots…

Lille : quand le web joue sur les mots, procès d’une diffamation en ligne

Publié le 21/03/2014

Nord Eclair

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Diffamation ou simple dénigrement comme il en fleurit sur des milliers de blogs ? Les juges lillois se sont penchés cette semaine sur une affaire bien dans l’air du temps.


Baptiste Fluzin est parti en croisade contre des pratiques commerciales sur le web qu’il estime douteuses. Objet de son courroux : le marketing de réseau, où l’on s’appuie sur une communauté (amis, contacts professionnels et amis d’amis) pour faire prospérer son business. Dans sa ligne de mire, un web entrepreneur lillois. Olivier Roland vend du conseil à travers des livres et des formations en ligne qui doivent permettre à tout un chacun de créer des blogs à succès. Il donne pour preuve l’histoire, en vidéo, de quelques-uns qui ont réussi. C’est du storytelling, écrit Baptiste Fluzin, qui réprouve la mise en scène de ces modèles de réussite. Une première fois le 23 février 2011, Baptiste Fluzin a dit toute sa désapprobation, en six pages sur son blog : un pamphlet en termes suffisamment cash pour lui valoir une condamnation pour diffamation et injures publiques à l’encontre d’Olivier Roland, le 4 juin 2013.

Une nouvelle fois, il comparaissait mardi pour diffamation devant la 6e Chambre correctionnelle de Lille, toujours poursuivi par Olivier Roland. Des poursuites motivées par l’écriture d’un second article publié sur son blog, à la veille de son premier procès, et intitulé « Mon procès contre Olivier Roland et le marketing de réseau ». Me Guillaume Sauvage du barreau de Paris, qui représentait Olivier Roland, absent à l’audience, y a relevé six phrases portant atteinte à l’honneur de son client.

À la barre, Baptiste Fluzin se présente très courtoisement, mais aussi sûr de la nécessité de son combat. C’est ce qu’il explique au président Bernard Lemaire, qui inscrit ce procès dans le contexte du premier : « Il n’y a pas cette fois de termes orduriers, mais la partie civile est visée nommément lorsque vous écrivez que son activité, c’est de vendre du rêve. » Le jeune homme de 31 ans à l’allure encore adolescente entraîne le tribunal un peu perplexe dans les arcanes du web marketing. Il est lui-même directeur de création en communication, avec une formation supplémentaire en multimédia qu’il a acquise aux Gobelins à Paris.

Diffamation ou dénigrement ?

Le débat va se jouer entre les deux avocats pour déterminer s’il s’agit de diffamation comme l’affirme Me Guillaume Sauvage ou simplement de « dénigrement comme il y en a des milliers d’autres exemples sur les blogs et forums internet », estime Me Jean-Yves Moyart. En plus de l’éventuelle condamnation (lors du premier procès, Baptiste Fluzin avait écopé d’une amende avec sursis), l’enjeu concerne les dommages et intérêts. L’avocat de la partie civile réclame 30 000 € (dans le premier procès, le tribunal avait accordé 3 000 €) et Me Moyart plaide la relaxe et la condamnation de la partie civile à indemniser son client.

Me Sauvage développe trois arguments : « La légitimité du but de l’article est douteuse, l’animosité personnelle est caractérisée, il n’y a pas d’enquête sérieuse. » Me Moyart s’attachera à démontrer que les phrases litigieuses remises dans leur contexte dénoncent « une méthode, un procédé, pas la personne de M. Roland ». Il expliquera aussi au tribunal que son client était prêt à enlever les passages jugés litigieux par le juriste de l’entreprise de M. Roland. Des mails ont été échangés, mais l’entreprise n’a pas donné suite, optant pour le procès.

Le tribunal rendra son jugement le 15 avril.