Au tribunal de Lille : « Où peut être le consentement d’une enfant de cinq ans ? »

Article paru dans La Voix du Nord du 7 octobre 2020, par Chantal David

Il était le « tonton d’adoption » d’une petite fille de cinq ans avec deux mamans. Un soir, à Lille, il a abusé de l’enfant. Devant le tribunal, il justifie son attitude par une sorte d’éducation anatomique, affirmant avoir cédé à la curiosité de l’enfant.

Maître Romain Lehmann, en défense (à gauche), et Maître Jean-Yves Moyart (à droite), en partie civile.

En 2016, Jean-Paul V. vit seul à Lille. Il n’a jamais eu d’enfant. Il a alors une soixantaine d’années. Il est à la fois le tonton, le grand-père d’adoption de la petite Mathilde (*) qui habite près de chez lui. Il va la chercher à l’école, joue les baby-sitters quand les mamans de Mathilde sortent le soir. Aussi, elles ne verront aucune objection, lorsqu’après avoir fêté Noël tous ensemble, Mathilde veut aller dormir chez Jean-Paul. Mais quelques jours plus tard, la fillette de cinq ans dévoile chez elle qu’elle a pris son bain avec Jean-Paul, qu’elle a touché son sexe et lui a fait « un bisou ».

Le parquet fait appel

Bras croisés, l’ancien comptable au physique sec répond sans émotion aux questions du président Ludovic Duprey. Lorsque le juge l’apostrophe : « Vous avez pris le parti de vous dire qu’élevée par deux mamans, elle avait besoin de voir un zizi  », l’homme répond sans hésiter : « C’est elle qui a demandé. »

Pour Me Jean-Yves Moyart, avocat de la partie civile, le prévenu savait parfaitement ce qu’il faisait  : « Il se cache derrière des faux-semblants. Un humain à peu près sociabilisé sait qu’un enfant de cinq ans ne sait rien de la sexualité.  » La procureure Candice Diallo est également atterrée : « La version du prévenu est extrêmement dure à entendre car elle fait peser une part de responsabilité sur la victime. Où peut être le consentement d’une enfant de cinq ans ? »

Me Romain Lehmann, en défense, portera le débat sur les carences éducatives et affectives de Jean-Paul V. qui a grandi dans la violence d’un père alcoolique. Pour l’avocat, cette absence de repères a entraîné une absence de discernement.

Le tribunal entendra les arguments de la défense. Jean-Paul V. a été condamné à dix-huit mois de prison, dont neuf avec sursis probatoire. Il est inscrit au fichier des délinquants sexuels et purgera la partie ferme de sa peine sous bracelet électronique. Le parquet a fait appel de cette décision, l’estimant trop éloignée de ses réquisitions qui étaient de cinq ans d’emprisonnement et trois ans de suivi sociojudiciaire.

(*) Le prénom de la fillette a été changé pour respecter son anonymat.

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